De nouvelles études soulèvent les dangers de manquer des tests cardiovasculaires



La pandémie de COVID-19 a empêché des milliers de patients canadiens d’obtenir des soins médicaux critiques1. Certains sont restés à l’écart de services d’urgence même s’ils souffraient de problèmes de santé graves, non liés à la pandémie, de peur de contracter le virus2. D’autres se sont heurtés à des obstacles à l’obtention de soins médicaux, comme l’annulation temporaire d’interventions médicales essentielles dans les hôpitaux accablés de patients souffrant de la COVID-193. Maintenant, les chercheurs évaluent et mesurent les répercussions de ces perturbations — y compris leurs incidences potentielles sur la santé cardiaque des patients.

Une étude révèle la chute alarmante du dépistage de maladies cardiovasculaires pendant la pandémie. Publiée dans le Journal of the American College of Cardiology, cette étude, menée par des douzaines de chercheurs médicaux qui sont issus de six continents et siègent à un comité de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), démontre que la COVID-19 est liée à une chute considérable et soudaine, mondialement, du nombre de tests de diagnostic des maladies cardiovasculaires4.

Dr Paolo Raggi, du Mazankowski Alberta Heart Institute à Edmonton, est le représentant canadien au comité de l’AIEA, qui regroupe des experts en cardiologie clinique et en imagerie cardiaque des quatre coins du globe5. Il mentionne que l’étude en question « visait initialement un objectif entièrement différent, mais a changé de cap lorsque la pandémie de COVID-19 a débuté ».

Le printemps dernier, le comité a commencé à se demander si les patients avaient raté des tests de diagnostic cardiaques pendant la première vague de la pandémie. Il a demandé à des cliniciens, à l’échelle mondiale, de lui faire part du nombre de patients ayant obtenu des procédures diagnostiques courantes, comme des échocardiographies transthoraciques, des échocardiographies transoesophagiennes, des résonances magnétiques cardiaques et des épreuves à l’effort.

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Le comité a reçu une réponse de la part de 909 installations médicales effectuant des procédures diagnostiques cardiovasculaires dans 108 pays. Ces réponses ont fait état d’une chute de 42 pour cent du volume de ces procédures entre mars 2019 et mars 2020, et d’une diminution phénoménale de 64 pour cent entre mars 2019 et avril 20207.

« Ces résultats étaient très déconcertants », déclare Dr Raggi. « Le volume de la majorité des tests que j’utilise pour diagnostiquer les maladies cardiaques avait fléchi de 40 à 80 pour cent, tout dépendant du test utilisé. »

Selon lui, deux causes expliquaient cet état de fait : la peur de contagion des patients, qui les a incités à annuler leurs rendez-vous et à rester à l’écart des milieux médicaux, et l’interruption des soins de santé en raison de la pandémie. « Les systèmes médicaux ont freiné leurs activités pour éviter d’être submergés par des patients atteints de COVID-19 », conclut-il.

Selon Dr Raggi, la principale crainte, pour lui et les autres spécialistes de la santé, réside dans la possibilité que les maladies cardiovasculaires qui auraient été décelées dans des circonstances normales restent non détectées en raison de la pandémie. Et, comme ils ne reçoivent aucun traitement en ce moment, ces patients pourraient être confrontés à des problèmes plus sérieux quand ils obtiendront finalement des soins. « Si nous attendons pour poser des diagnostics et pour voir les patients, nous risquons de condamner de nombreuses personnes à subir des conséquences à long terme en raison de conditions cardiovasculaires négligées », dit-il.

Bien que, selon l’étude de l’AIEA, les pays à faible revenu aient été les plus touchés par la perturbation des tests de diagnostic cardiovasculaires liés à la COVID-198, une autre étude, publiée dans le Journal canadien de cardiologie, s’attarde à la situation au Canada. Elle affirme que l’augmentation radicale des temps d’attente pour les tests de diagnostic et les interventions cardiovasculaires pendant la première vague de la pandémie ont causé des problèmes au pays9.

« Les hôpitaux et les services de soins ambulatoires ont considérablement réduit leurs prestations de soins cardiaques en prévision d’un afflux de patients souffrant de la COVID-19 », révèle cette étude, qui a été rédigée par 31 spécialistes de la santé d’un bout à l’autre du pays. « Des interventions telles que des tests de diagnostic non effractifs … et les chirurgies cardiaques ont été considérablement restreintes, ayant été seulement effectuées en cas d’urgence. »10

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Vu que la pandémie se poursuit, l’étude canadienne suggère l’adoption, par les systèmes de soins de santé, d’une approche visant à concilier la nécessité d’offrir des ressources d’intervention rapide pour la COVID-19 avec celle de « continuer à fournir les soins cardiovasculaires requis12 ».

Elle fournit plusieurs recommandations à cet effet, dont la suggestion que le gouvernement donne priorité à l’accroissement de la capacité de l’infrastructure de soins à distance en y investissant d’un bout à l’autre du pays. Elle suggère aussi que les centres de santé locaux créent des tribunes d’experts pour superviser le processus de triage des tests cardiaques afin de veiller à ce qu’ils soient réalisés en fonction des indications approuvées et du niveau d’urgence, et conformément à la capacité et à l’expertise locales13.

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Pour sa part, la Société canadienne de cardiologie a entrepris un projet de recherche pour mesurer l’impact des politiques de santé publique et des politiques gouvernementales juridictionnelles sur les soins cardiovasculaires dans le contexte de la pandémie au Canada, le tout dans le but d’orienter les politiques et la planification en matière de santé et de réduire les conséquences, sur la santé cardiovasculaire de la population, des vagues actuelles et futures de la COVID-19. Cette initiative comporte un Tableau de bord des soins cardiovasculaires, que les chercheurs mettent à jour régulièrement pour y afficher le nombre d’interventions, d’hospitalisations et de décès de nature cardiaque pendant la pandémie15.

Dr Raggi affirme que les spécialistes de la santé, les patients et les autres parties prenantes ont intérêt à tenir compte de l’importance de la santé cardiaque en dépit de la troisième vague de la pandémie. Il reconnaît que la situation entourant la COVID-19 est grave, mais ajoute que les maladies cardiovasculaires causent des millions de décès à l’échelle mondiale chaque année16.

1 https://www.cbc.ca/news/health/covid-emergency-department-surgery-cihi-1.5808191
2 https://www.ctvnews.ca/health/coronavirus/hidden-death-toll-doctors-say-people-dying-as-they-avoid-ers-due-to-covid-fears-1.4902055
3 https://www.cbc.ca/news/health/covid-emergency-department-surgery-cihi-1.5808191
4 International Impact of COVID-19 on the Diagnosis of Heart Disease (p. 173)
5 International Impact of COVID-19 on the Diagnosis of Heart Disease (p. 174)
6 International Impact of COVID-19 on the Diagnosis of Heart Disease (Page 176)
7 International Impact of COVID-19 on the Diagnosis of Heart Disease (p. 173, 176)
8 International Impact of COVID-19 on the Diagnosis of Heart Disease (p. 173)
9 Cardiovascular Care Delivery During the Second Wave of COVID-19 in Canada (p. 1)
10 Cardiovascular Care Delivery During the Second Wave of COVID-19 in Canada (p. 2)
11 Cardiovascular Care Delivery During the Second Wave of COVID-19 in Canada (Page 3)
12 Cardiovascular Care Delivery During the Second Wave of COVID-19 in Canada (Page 3)
13 Cardiovascular Care Delivery During the Second Wave of COVID-19 in Canada (p. 3)
14 Cardiovascular Care Delivery During the Second Wave of COVID-19 in Canada (Page 2, 3)
15 https://c3i.app/ - Tableau de bord des soins cardiovasculaires
16 Maladies cardiovasculaires